12 septembre 2018, Londres :
La salle est bondée. La nouvelle a rapidement fait le tour des amateurs d’art et galerie professionnelle. Costumes bien taillés, téléphones de dernière génération, et petit carton avec un numéro dessus. Tous attendent le clou du spectacle. Un nom est sur toutes les lèvres. Amaterasu. Elle aurait peint un tableau et le proposerait à la vente. Personne ne sait à quoi il ressemble, mais tous savent qu’il vaut de l’or. Les enchères n’ont pas été à la hauteur de l’attente des organisateurs, mais la tension est palpable. Le dernier remonte déjà à l’année dernière et personne ne sait vraiment à quoi s’attendre avec elle. Pourtant, tous ceux qui savent, n’aurait loupé ce rendez-vous pour rien au monde.
Finalement, un coup de marteau retentit et l’on emmène sur l’estrade avec grand soin, une oeuvre caché par un drap.
- Je sais que vous l’attendez tous. On nous l’a confié il y a quelques semaines et nous avons eu besoin d’un peu de temps pour vous prévenir et organiser ce grand évènement.
Ils retiennent leur respiration. Chacun fixe avec avidité le tissus.
- Laissez-moi vous présenter la dernière œuvre d’Amaterasu. “the smile of the survivors”.
Le rideau tombe et le monde retient soudainement son souffle. L’agitation fait place au silence quand la date fait écho à ce qu’ils ont sous les yeux. Un tableau de deux mètres sur six, imposant. Deux camps s’affrontent, d'un côté on reconnaît en partie la tenue des miliciens. De l'autre des civils. Aucun n'a de visage. Au centre, au premier plan, une femme avec une coupe au carré, de dos et éclaboussée de sang. Dans le ciel, tout est couvert, on peut distinguer une ombre maléfique en train de sourire tel le diable. En bas à droite, une personne androgyne habillée de bleu qui pleure. En bas à gauche, un homme assis la jambe transpercée qui regarde incrédule un corps inerte entre ses bras. Le sol est jonché de cadavres que les deux camps écrasent comme de simple pavé.
Abasourdis, personne n’ose faire la première offre. Une équipe retransmet en direct sur la Blue Box la vente. Les téléphones s’affolent enfin et les cartons se lèvent. Plusieurs minutes plus tard, le verdict tombe. Amaterasu a encore battu son record. Deux millions trois pour un collectionneur privé dont personne ne connaît l’identité. Et le tableau disparaîtra de la circulation.