mékéstuboisdoudoudisdonc ?
⬌ NAVIGUER


   Temporalité : l'action se déroule à partir du 12 octobre 2021
Une explosion dans le Sud de Londres a ravagé une partie de la zone : à cause de l'accident d'une centrale electrique, c'est ce qu'on dit.

Une poignée de la population qui connait l'existence de la magie, pense détenir la véritable version de ce méfait.
Et si la vérité était encore ailleurs ?

Londres semble continuer son rythme de vie inlassable, sans se douter de ses pertes de mémoire.

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MessageSujet: Clare Hare   Clare Hare EmptyLun 26 Fév - 14:33

Chapter One :

-. bille
-. or

Chapter Two :

-. magazine

Chapter Three :

-.puppet
-.damocles

Actual Chapter :

1 Juin 2018
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptySam 3 Mar - 22:30


Clare Hare 190301022556719648

La surveillance était trop présente dans cette ville. Dehors, Humphrey Hare ne savait jamais où parler en toute tranquillité sans craindre qu'un voisin interprète mal ses mots. Il se souvient de la semaine dernière : cet écossais à la face burinée qui lui avait jeté un regard désobligeant en le voyant mouiller ses tempes puis clore ses yeux.
Il avait pourtant rejoint l'un des cafés informés les plus côtés de Chelsea mais c'était à croire que dans les quartiers huppés les gens vous regardaient plus en détails. Son accoutrement modeste avait souligné sa nature avant même qu'il ne se décide à faire le vide dans sa tête.
Les meilleurs moments, c'était quand il restait dans son petit appartement de Hampstead. Sa décoration était simple et sommaire, ce que sa mère ne cessait de déplorer ; elle disait que le vide n'était pas harmonieux. Sa famille possédait un niveau de vie élevé et elle n'avait jamais compris pourquoi il s'encombrait de simplicité. Les moyens sont souvent nécessaires à la conservation de l'équilibre que lui disait cet avocat tenant rôle de géniteur. Mais aucun soupé dînatoire, soirées mondaines et parlotes auprès de rares théologiens éminents n'égalaient les moments où Humphrey prenait l'habitude de se sentir insouciant, un journal à la main, au centre de quelques rayons mal teintés à cause d'une vitre pleine de buée. Rester, elle et lui, pour un temps en ce lieu jugé froid, à tord, marqué par le clapotis d'un robinet sans qu'aucun pseudo membre de l'ordre ne leur somme de parler moins fort. Un recoin où la lecture était devenue l'échappatoire d'une soirée et où les mots qu'il prononçait d'une voix posée rebondissaient comme des billes d'idées libres.

— On partira alors, Marisa

— Où ?

— Je ne sais pas. Un endroit proche de la mer. Je crois que je préfère la compagnie de l'eau à celle des hommes.


Elle était restée un long moment dans la baignoire à le regarder. Elle faisait souvent ça.

D'accord. qu'elle avait finalement répondu avant de s'enfoncer dans le bain mousseux jusqu'à ce que seul son visage reste à la limite de la surface. Les femmes étaient réputées pour être bavardes. Ce n'était pas le cas de Marisa.
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptySam 3 Mar - 22:35


Clare Hare 19030102272274879

D'un blond très clair. Personne n'était blond comme ça dans la famille. Et des yeux aussi bleus que ceux que de sa mère. Et un sourire à vous fendre le coeur aussi tant, sur un visage aussi innocent, il reflétait ce que les gens cherchaient à rattraper une fois grandis, en vain. Alors ils n'avaient d'autre choix que de le concevoir à travers autrui.
Petite Loana. Clare tournait en rond devant la porte entrouverte de la chambre, à peine âgée de trois ans. Une chevelure et des prunelles fidèles à celles de son père : complètement en bataille et, comme pour en rajouter une couche, elle y passait très souvent sa main dans cette tignasse de boucles raides.

— Clare, elle dort... tout va bien.

Mais Clare ne répondait pas. Soucieuse, elle continuait de faire des allers-retours en jetant des coups d'oeil frénétiques vers l'embrasure. Son père était généralement obligé de la porter dans ses bras pour qu'elle cesse son manège.

— Il ne faut pas t'inquiéter tu sais. Si elle a besoin de quelque chose, elle va pleurer.

Pleurer, chose que Clare n'avait pas fréquemment fait dépassé un an. Même avant d'ailleurs, elle était de ces bébés silencieux sans être calmes. Juste très focalisée sur son monde, assise au sol à se pencher sur un grain de sable comme s'il pouvait s'agir d'un bout d'or. Mais qu'est-ce qu'un rejeton connaissait à l'or ? Peut être... peut être que cet éclat de richesse, elle l'avait finalement trouvé. Dans le regard de sa petite soeur.
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptyMar 13 Mar - 6:35



"ressentir est la plus puissante des drogues. Mais comme toute drogue, on devient dépendant et puis on souffre."

Clare Hare 190301022910616615

— Tu es revenue... tu reviens toujours.

Valen lui décocha un sourire satisfait avant de l'aider à se tenir debout. Sa main habile attrapa le poignet de la théologienne pour faire passer son bras autour de son cou.

— Tiens-toi.
— Je suis désolée...
souffla Clare qui n'avait même plus la force de marcher. Alors il se décida à la porter.
Il la souleva comme si elle n'était qu'une vulgaire plume, ferma la porte et se dirigea vers la fenêtre, lui caressant doucement les cheveux tout en fredonnant des mots. Clare dodelina de la tête, son visage tordu par le dégoût.

— Je ne veux pas entendre...

Mais il éleva la voix, insensible à celle qui commençait à pleurer en silence.

Je porte respect à celui qui garde la ligne constante dans ma vie. Et je remercie ceux qui me permettent aujourd'hui...
— Cette magie... Je... je n'en veux plus... hoqueta-t-elle. Il s'assit sur la chaise, près de la grande fenêtre à la lumière factice, la garda sur ses genoux
— Ne la repousse pas, elle fait partie de toi... et tout en disant ça, il continuait à réciter mentalement.

Et je remercie ceux qui me permettent aujourd'hui
de profiter du don qu'il m'a offert

Et je remercie ceux qui me permettent aujourd'hui
de profiter du don qu'il m'a offert

Et je remercie ceux qui me permettent aujourd'hui
de profiter du don qu'il m'a offert


Jusqu'à l'ecoeurement, jusqu'à ce que Clare se sente nauséeuse et tente de quitter ces bras et cette chambre où elle venait pourtant juste de se rendre. Alors il attrapa son visage pour qu'elle le regarde, les sourcils froncés. Clare sentit immédiatement une étrange joie la gagner, qu'elle ne connaissait que trop bien...

— N'utilise pas ça sur moi !
— Tu en as besoin.


Déjà le pouvoir du théologien faisait effet. A contrecoeur, Clare laissa son front reposer contre l'épaule du Russe qui soupira de bien être.
Il profita de son état pour passer sa main sous son t-shirt.

— Non...
— Je ne suis pas une marionnette, Clare.
— S'il te plaît, pas aujourd'hui...


Il ne l'écoutait pas. La main de l'homme remonta jusqu'à sa nuque, forçant le vêtement de Clare à remonter. Cette dernière tenta de reculer mais l'homme la retint par la nuque. Ses yeux croisèrent ceux de Clare, qui s'emballa.

— Arrête... arrête ! La chaleur, qu'il s'était appliquée à user pour la rendre un peu plus heureuse, devint soudain brûlante. Il la tenait maintenant à l'en faire mal.
— J'ai dit ARRÊTE ! hurla-t-elle. L'homme l'embrassa pour la faire taire. La puissance de son pouvoir la désarçonna ; elle sentit ses lèvres picoter et son coeur battre plus fort. Il maniait ses émotions à sa guise, il avait toujours eu ce talent pour l’influencer... Hésitante, Clare entrouvrit un peu la bouche, juste pour goûter à son souffle. Il gronda au moment d'appuyer sur sa nuque, détruisant ses derniers efforts pour le combattre.

Laisse-toi aller... lui dit-il mentalement. Une agréable musique. Lorsque la main libre de Valen se déposa sur ses reins pour lui imposer un doux mouvement de bassin, Clare céda enfin.
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptyVen 1 Juin - 13:10


Clare Hare 190301023419429340

Les mauvais pressentiments, Clare les détestait. Cette impression qu'un incident s'apprêtait à arriver, cela s'apparentait à une épée de Damoclès prête à fendre son esprit en deux... Les mauvais pressentiments avaient toujours été les prémices de ses pires souvenirs.

Ce matin là, elle se trouvait dans le lit de Valen. Les sourcils froncés, ses cheveux déposés sur l'oreiller à la manière d'un voile déchiré, elle fixait le baldaquin en se demandant pourquoi ?
pourquoi ce mauvais pressentiment ne partait pas ?

Après une journée fastidieuse à Ligma, elle avait été sommée de se rendre dans les locaux de la Triade. C'est à minuit qu'elle était enfin sortie de chez ce dirigeant dont la maladie trop tenace détruisait, depuis ces dernières semaines, sa propre santé mentale. Là, faible et étreinte par un désagréable pressentiment, elle n'avait pas eu la force de rentrer chez elle. Et comme à chaque fois qu'elle se sentait faible, elle était allée taper à la porte de Valen. Ce dernier logeait au niveau 0, surveillé, pour ne pas dire fliqué par les dirigeants qui se méfiaient de ses talents aussi bien qu'ils s'en servaient allègrement : en plus d'être doué avec son pouvoir, il avait un don naturel pour influencer les individus - Clare en savait quelque chose. Il n'avait le droit de sortir qu'en de rares occasions après preuves de bonne conduite et sous gage de nombreuses conditions.
Il avait été plus que satisfait de remarquer qu'elle avait encore cédé.

— Je vois que tu me rends visite uniquement quand ça t'arrange ! avait-il plaisanté, un sourire barrant ses lèvres. Clare n'avait pas répondu et était entrée sans même lui accorder un regard. Il ne s'en était pas offusqué, il la connaissait trop bien pour ça.

Il avait préparé du café, puis avait engagé une discussion qu'il avait été seul à tenir. Clare, elle, était restée assise, murée dans le silence, ses prunelles rivées sur un point invisible.

— Un événement terrible va se produire... avait-elle finalement murmuré au milieu d'une des tirades de Valen, qui s'était alors tu en l'observant avec intérêt.

Un pressentiment ?
Elle avait acquiescé, les traits tirés. Valen avait rajouté un bref "c'est déplorable..." avant de reprendre joyeusement son monologue comme si de rien n'était, trop ravi de sa compagnie pour se soucier d'autre chose.

Clare savait Valen fou. D'aussi loin que remontaient les souvenirs de Clare, il l'avait toujours été. Trop amoureux de ses pouvoirs pour les utiliser avec parcimonie, véritable mégalomane fier de ses capacités, devoir sacrifier sa santé mentale ne semblait jamais lui avoir posé de problème. A dire vrai, il considérait que les gens jugés "saints d'esprit" étaient les véritables aveugles de cette planète et qu'il avait, pour sa part, réussi à atteindre un niveau de compréhension rarement acquis.

—  Il y a les moutons, Clare. Ceux qui se trouvent normaux car ils passent leur existence à suivre un quotidien vide et creux, puis ils meurent ignorants, comme tout mouton qui se respecte. Toi et moi, nous sommes différents.

— Nous n'avons rien de différents...

— Oh Clare, ma tendre Clare... pourquoi a-t-il fallu que tu postules à Ligma ? Être un contribuable avec sa petite vie rangée, ce n'est pas pour toi, ça ne l'a jamais été...


Le jour où il avait appris pour son poste de détective, elle avait discerné cette lueur de consternation dans son regard.

"Dis moi, tes collègues te désignent-ils par le terme d'illuminée ou d'attardée ?" avait-il demandé avec un sourire entendu.
Excédée, elle lui avait vivement rétorqué, qu'au moins elle, elle tentait de faire sa propre route au lieu de se laisser balader par les dirigeants comme un chien en laisse. Elle se souvient encore de cette colère froide qui avait subitement animé son visage : la douloureuse vérité d'un homme qui se croyait au dessus des autres mais dont le quotidien était régi par des dirigeants à qui il offrait sa soumission la plus totale. Clare le savait, contrairement à elle, il n'avait jamais eu la moindre liberté. Malgré tout, elle en avait ressenti du plaisir, de la satisfaction même, à l'atteindre là où ça faisait mal... Sa façon à elle de se venger de cet homme qui avait toujours eu une incroyable influence sur elle. Elle le détestait pour cela : son talent à l'avoir rendue dépendante de lui. A chaque moment de faiblesse, lorsque ce vide constant et cette haine qu'elle ressentait envers elle-même étaient tels qu'elle croyait étouffer, il suffisait qu'il soit là et qu'il use de son pouvoir pour que ce mal être s’amoindrisse pour un temps... Une sorte de drogue, néfaste, dérangée et violente, vers laquelle elle retournait toujours.

Je crois que le jour où tu n'auras plus besoin de moi, je te tuerai .. lui avait-il même dit une fois avec affection. Au vu du regard tendre qu'il lui avait offert, quiconque aurait cru qu'il plaisantait. Mais Clare savait, elle savait, qu'il avait été très sérieux.

Passant une main sur son visage, elle fronça des sourcils. Elle se sentait mal. La lumière factice qui filtrait à travers la fenêtre était à l'image de la cruelle réalité. Le calme de cette chambre, après que Valen soit parti aux aurores pour mettre ses pouvoirs à contribution des dirigeants, la tiédeur des draps, la sensation de torpeur, emmitouflée de la sorte, qui lui faisait croire en un bon début de matinée, tout cela était pareil à la lumière de cette fenêtre : une parfaite illusion. Derrière la vitre, il n'y avait qu'un pan de métal, glacial. Et lorsqu'elle se lèverait, lorsqu'elle quitterait cet endroit qu'elle se détestait d'apprécier autant, un événement se produirait, tôt ou tard.
Un événement terrible.
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptyJeu 12 Juil - 18:30



Clare Hare 190301023506757650

— Ma mère, elle dit que tu resteras ici pour toujours
— ...
— Elle dit aussi que tu devrais être un peu plus reconnaissante, parce que sans nous tu serais morte.

— ... C'est faux.
— Puisque je te le dis ! Mais bon .... elle haussa des épaules, rejetant négligemment ses cheveux blonds en arrière.
— C'est vrai que t'es personne dans ce monde, alors tu peux pas connaître ce qui est vrai.

La jeune Clare âgée de treize ans essuya ses joues mouillées. Assise à même le sol, dans un coin de la chambre, elle fixait Julie, celle-ci allongée sur le lit à baldaquin et dont la chevelure cascadait autour de son joli visage comme une rivière de blé.

— Je m'en fiche de la vérité... tout ce que je veux, c'est que vous me rendiez ma vie...  
— Et voilà ! C'est reparti ! se plaignit Julie en levant les yeux au ciel. Clare essuya ses joues une dernière fois, les sourcils froncés.

— Je veux retrouver ceux que vous m'avez pris...
— Ben c'est trop tard ! Ils t'ont oubliée... ils s'en fichent de toi maintenant ! Honnêtement, je suis même sûre qu'ils sont plus heureux comme ça
dit la blondinette d'un ton absent, allant tourner une autre page de son magazine. Clare venait de se relever, le visage livide.

— Retire ce que tu viens de dire.

Mais Julie gloussa, tournant une nouvelle page.

— Retire ce que tu as dit ! répéta Clare en haussant la voix.

Quatre années. Quatre années qu'elle avait dû apprendre à réfreiner son insubordination au prix de punitions qui lui arrachaient régulièrement des cauchemars. Quatre années à essuyer l'arrogance de Julie : et ce, dès leur première rencontre où la poupée blonde lui avait attrapé la main, l'air ravi, pour l'entraîner dans sa chambre en lui soufflant à l'oreille "enfin, père m'a offert mon animal de compagnie!"
Ce petit sourire hautain lorsqu'elle parlait à sa mère en prenant soin de ne pas l'inclure dans la discussion. Ce jour où, ayant invité ses amis à la maison elle l'avait appelée pour la présenter aux autres... la surprise de Clare, devenue timide mais heureuse... jusqu'à ce que Julie déclare d'une voix forte : Voici Clare... vous savez, la dotée de service ! faisant rire sous cape ses amis qui s'étaient échangés des oeillades amusées.

— Je te jure que si tu ne retires pas ce que tu as dit...

— Quoi ? Tu vas faire quoi Clare ?

Elle releva son regard provoquant vers Clare, un sourire dédaigneux aux lèvres.

— Tu vas m'envoyer ton pouvoir à la figure et me guérir de mon rhume des foins ? Oooooh j'ai peur, ooooh au secours, au secours, à l'aide ! On veut me soigner ! La folle-dingue menace de me lancer son sort par ordonnance !"

— La ferme Julie...

— Bouuuh, j'étais une pouilleuse va-nu-pieds sur la plage et mes hippies de parents me manquent! Des clochards qui sont plus heureux sans mo...

Elle ne put terminer sa phrase. Clare venait brusquement de se ruer sur elle. Elle avait oublié les punitions à venir, les visites chez cet effroyable psychologue qui irait encore la torturer avec son pouvoir. Tout ce qu'elle voulait, c'était faire le plus de mal à celle qui hurlait dorénavant :.

— Lâche-moi, mais LÂCHE-MOI GROSSE FOLLE !! MÈRE!! CHARLES !!

Continuant de la frapper sur chaque centimètre carré de peau qu'elle pouvait atteindre, elle se sentit brusquement soulevée du lit. Un grand homme, à l'allure raffinée malgré sa musculature, venait d'entrer dans la chambre et l'avait portée sur son épaule, sans prêter attention à ses protestations et à ses tentatives pour se dégager.

— Mais quelle TARÉE !  Charles, je suis blessée, je suis sûre que je suis blessée ! Dans tous ses états, Julie courut vers le miroir. En voyant son reflet, elle lâcha une exclamation et se retourna pour lui désigner d'un doigt tremblant la rougeur apparue sur sa joue.

— Vous êtes énervée My lady... cela n'est sûrement dû qu'à la colère

— Elle m'a rouée de coups, rouée de coups ! Oh mon dieu... alarmée, Julie se laissa retomber sur son lit de façon dramatique.

— Cette folle est un danger public, qu'on m'appelle un médecin !

— Je crains qu'ils ne se déplacent pas pour une simple bagarre entre deux jeunes fi...


— EH BIEN dites-leur tout de même ! s’époumona Julie en lui envoyant un regard noir. Clare avait cessé de se démener. Tenue à la manière d'un sac à patates, essoufflée, elle ne disait plus un mot.

— Bien évidemment... L"homme inclina sa tête, avant de prendre congés en emportant la jeune théologienne avec lui. Une fois loin de la chambre, il la reposa enfin.

— Clare... vous n'auriez pas dû...

— Je m'en fiche... gronda celle-ci, les traits encore tirés par la colère. Sa voix avait résonné dans le couloir de la maison. Quelqu'un pouvait l'entendre, mais Clare s'en moquait.

— J'en ai marre ! J'en ai marre de les soigner ! Je n'ai plus envie de le faire, je n'ai jamais voulu le faire !

— Clare...

— NON ! CA SUFFIT JE NE VEUX PLUS LE FAIRE !


Charles resta immobile, démuni et incapable. Parce que, bien sûr, il n'y avait rien à dire. Clare comprenait maintenant pourquoi son père avait toujours souhaité lui tenir la main, l'éloigner le plus possible des villes, des parcs et de tout ce qui pouvait la sociabiliser. La raison pour laquelle elle n'avait jamais été à l'aise avec les autres, hormis ces païens rejetés par leur meute, tout comme elle avait été rejetée pour être née de la sorte.

— Mademoiselle Clare ?

Clare se retourna vers l'origine de la voix. Malgré sa colère, elle sentit un froid immédiat lui retourner les entrailles. Au bout du couloir venaient d'apparaître le psychiatre, en compagnie de Madame Stanhope, la mère de Julie. Tous deux étaient manifestement surpris de la trouver là et dans un tel état. Charles leur offrit une discrète révérence de politesse. Madame Stanhope finit par soupirer avec lassitude. Elle envoya un bref coup d'oeil entendu au psychiatre qui acquiesça d'un hochement de tête. Il  s'approcha de Clare qui étaiti devenue plus blême que jamais.

—... Mademoiselle Clare, j'imagine que de nouvelles séances s'imposent.
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptyDim 22 Juil - 0:40

1 Juin 2018 - Niveau 0, dans les sous-sol de Westminster.

Clare Hare 16lp


Comment était-il possible de détester cette demeure mais d'en nourrir pourtant une nostalgie qui n'était pas foncièrement désagréable ? Cette main qu'elle avait posée sur la poignet et qui hésitait à franchir le cap, sa gorge nouée par la honte d'être si faible, étaient autant de sensations qui la faisaient se haïr.
Lorsqu'elle ouvrit finalement la porte, bien qu'elle sache ce qui l'attendait de l'autre côté, la vision de ce long couloir qu'elle avait quitté six ans auparavant la laissa figée.

Rien ne semblait avoir changé...
Ce corridor défraîchi mais propre avec sa tapisserie vieille du sol et des murs étaient habillés des mêmes tableaux : les portraits des aïeux Stanhope dont les yeux paraissaient vous suivre. Les deux lustres qui pendaient tristement au haut plafond, à la lumière faiblarde, étaient recouverts de poussière et de toiles d'araignées - seules preuves de l'emprise du temps. En le traversant, Clare eut l'impression de pouvoir entendre à nouveau les rires de Julie retentir, de la voir, même, à l'âge tendre de huit ans, dévaler l'endroit pour aller se cacher derrière la tapisserie mal accrochée à l'effigie des chevaliers de la Triade.

Mais le silence était bel et bien présent.
Roseta ne fredonnait plus dans les cuisines, Charles ne se raclait pas la gorge en lui offrant son regard critique si particulier, les talons de chaussures que le psychiatre cirait à chaque visite ne résonnaient pas sur les vieilles planches ; si ce n'était dans sa tête.
C'était le bruit d'une disparition particulière : celle de l'abandon, qui accompagnait son chemin. En passant devant une porte qu'elle savait verrouillée, elle ne put s'empêcher de s'arrêter. Le visage fermé, elle leva sa main, hésitante, comme si elle craignait qu'en la posant sur le pan de la porte, quelque chose resurgirait avec brutalité. Mais lorsque sa paume se déposa sur le bois de chêne, rien qu'un souvenir calme, presque serein, lui revint en mémoire...

— Julie a été envoyée en Russie ?

— Oui

— Je suis né là bas.. mais tu le savais, j'imagine.

— Je l'ai deviné.

— Deviné... Alors tu es toute seule maintenant ?

— Je ne suis pas toute seule

— C'est vrai, il y a monsieur Stanhope

— Et Charles

— Et Charles... et moi, non?

— Dame de Pique.

Ce regard interloqué que Valen lui avait lancé, ses cartes à la main, avant d'éclater d'un rire ravi. Ce fut été la première fois qu'elle le battait au jeu...

Lentement, sa main retomba le long de son corps,. Elle se détourna de ce qui avait été sa chambre, abandonnant la mémoire de cette pièce fermée à clé comme on la laisserait rejouer en boucle une scène prisonnière du passé. Sur le parquet, au bout du couloir, dansait une lumière feutrée venue de la seule pièce ouverte. Les convives avaient toujours été surpris par la disposition d'une telle pièce : un salon, en bout de couloir ! Mais Clare savait, tout comme les résidents de cette demeure, qu'il s'agissait d'un savant moyen de montrer à quiconque foulait l'endroit l'opulence -désuète aux yeux de Clare- d'une vieille famille de dirigeants, de sentir peser sur son échine le regard impérieux de chaque portait accroché aux murs, d'éprouver l'atmosphère d'une bâtisse aussi ancienne que pouvait l'être l'arbre décharné des Stanhope. Alors, lorsqu'on arrivait enfin au salon, l'on avait d'autre choix que de rester humble, voire intimidé, face aux hôtes qui s'approchaient pour vous serrer la main.
Mais nul n'était debout pour la recevoir, cette fois. La seule personne qui s'y trouvait lui faisait dos, assise dans un vieux fauteuil en face d'une grande cheminée allumée. Bien que Clare n'eut rien dit, la personne leva sa main pour lui faire signe d'approcher.
Clare ôta sa veste sous l’étouffante chaleur de la pièce, avant de s'asseoir sur le canapé, à côté du fauteuil.

— Alors tu es venue... murmura l'homme d'un certain âge aux sourcils broussailleux et aux cheveux grisonnants.

— Je n'avais pas le choix... Clare, qui avait modulé sa voix pour la rendre détachée, ne put prononcer cette phrase qu'en murmurant.

— Malgré toutes ces années, Clare, tu continues de me craindre ?

Elle s'adossa contre le dossier du canapé, le regard fuyant.

— Je ne vous crains pas.

— Je ne te ferais jamais de mal, tu le sais bien.


A ces mots, Clare lui jeta un regard peu amène.

— Ne dites pas de telles inepties.

— C'est pourtant la vérité...

— Ce n'est pas, la vérité
siffla-t-elle. Son ton avait pris une froideur qu'elle ne se rappelait pas avoir jamais employée en sa présence. Elle sentait une indignation sourde émaner, appuyer un peu plus sur cette gorge devenue nouée depuis qu'elle avait franchi l'endroit.

— Je comprends que tu sois en colère...

— Je ne suis pas en colère.

Un triste sourire étira les lèvres blanches et gercées de l'homme.

— Bien sûr que tu es en colère, Clare, et tu as toutes les raisons de l'être... La mort de Charles n'a fait que renforcer cette erreur poussée par la culpabilité d'actes qu'on pourrait qualifier de condamnables...

— N'évoquez pas son nom... vous n'avez pas le droit d'en parler maintenant.

— Il est important de parler des fautes qui furent commises...

— Des fautes que vous avez commises !
cria-t-elle soudain. Les sourcils froncés, encore adossée mais dans une position figée, peu naturelle, elle aurait été plus que ravie de se lever ; rester immobile lui devenait insoutenable. Baissant sa tête avec docilité, l'expression de l'homme avait gardé une politesse mesurée.

— Tu as tout à fait raison...

— Mais cela ne change rien ! Puisque je suis là aujourd'hui, devant vous, dans ce salon surchauffé en plein été, à vous écouter énoncer le nom d'un homme qui a tout donné pour cette maudite famille mais qui reste un simple dommage collatéral !

— Charles faisait partie de ma famille au même titre que toi...

— Nous NE SOMMES PAS votre famille, NOUS NE L'AVONS JAMAIS ÉTÉE !
s'écria-t-elle. Son hurlement se répercuta en un étrange écho dans le salon trop vide.

— Clare...

Mais celle-ci venait de se lever. Elle n'arrivait plus à supporter le regard attristé de cet homme à l'allure aujourd'hui chétive, la renvoyant à ce même corps qu'elle avait du soigner durant des mois, des années entières, jusqu'à ce qu'il se réveille enfin et regagne des forces à mesure qu'elle perdait les siennes, que Charles avait contracté cette foutue maladie qu'elle aurait pu soigner, elle aurait pu, si seulement on ne l'avait pas empêché d'agir...

— Charles est mort par votre faute, et je ne serai pas le dernier témoin de vos regrets pour alléger votre conscience. Il en est hors de question !

— Je ne m'attends pas à ce que tu me pardonnes...

— Et je ne le ferai pas !


L'homme continua de la regarder, l'air plus affaibli que jamais.

— Comptes-tu partir ?

— Je n'ai pas dit ça !

— Alors rassieds-toi je te prie


Bien qu'emprunt de politesse, sa phrase fut directe, renvoyant aux traits du dirigeant qu'il était. Inspirant profondément, comme rappelée à l'ordre de ses propres obligations, Clare se rassit. Doucement, l'homme reprit.

— Tu continues de penser que les choix me reviennent, que j'ai souhaité tout cela... mais nous savons, tous les deux, que ce n'est pas vrai.

Comme elle gardait le silence, il poursuivit.

— Je suis né sans avoir le choix, tout comme toi.

— Nous n'avons rien en commun.

— Détrompe-toi Clare, nous avons plus en commun que tu ne le crois. Moi aussi je suis né pour tenir un rôle qu'on m'a imposé depuis mon plus jeune âge, moi aussi j'ai dû endurer les punitions, les règles, suivre ce qu'on me dictait d'être, je n'ai guère eu le choix que de me plier à...


— Vous aviez votre famille, vous, au moins !

— Tu trouves que mes géniteurs étaient ce qu'on pourrait qualifier d'une famille ?


La mâchoire crispée, elle tourna sa tête vers la cheminée pour ne pas avoir à soutenir son regard empli de regrets.

— Je m'en fiche si vos parents étaient de sombres connards, peut-être que vous le méritiez. Ce manque de respect, l'homme l'encaissa, irritant un peu plus Clare qui aurait étrangement voulu qu'il s'offusque, que ses paroles l'atteignent et aient un impact sur lui. Mais il gardait une attitude de servilité proprement insupportable.

— Peut être, Clare, peut être que le destin existe, et que j'ai effectivement mérité de vivre ainsi... Peut être que les dirigeants sont voués à être craints et détestés. Il n'empêche, et corrige-moi si je me trompe, que cela ne change rien au fait que je n'ai pas eu le choix, tout comme toi.

— Oui, peu importe... murmura Clare.

— Aussi tu comprendras pourquoi, encore à ce jour, je n'ai pas d'autre choix.. Ne mâchons pas nos mots, Clare, je dirais que je doive t'utiliser à nouveau.

Elle tourna sa tête vers lui, un sourire mauvais aux lèvres.

— Ils refusent que vous mourriez ?

— Je présume qu'ils ne m'en laissent pas cet honneur...

— Comme c'est pratique pour vous, n'est-ce pas ?


Une étrange affliction survola, à la manière d'une ombre, le visage fatigué de l'homme.

— Le fait que tu aies pu garder à ce jour ta lucidité d'esprit... cela prouve à quel point tu as toujours été forte, plus forte que je ne l'ai jamais été.

La colère de Clare l'avait curieusement fatiguée à son tour. Elle en avait assez d'avoir à se battre, d'essayer, encore, de faire en sorte de conserver ce qu'il lui restait de présence d'esprit pour s'oublier et ne plus avoir à penser.

— Je croyais qu'en acceptant Valen dans ta vie, il te permettrait d'alléger un peu ce fardeau. Avant de te voir depuis peu, alors j'ai compris mon erreur, Clare. C'est ta foi, la foi envers ce que tu étais avant d'intégrer cette demeure, tes souvenirs pour ta famille, qui t'ont en réalité soutenue depuis tout ce temps...

Ce noeud dans sa gorge l’étouffa subitement. Contre toute attente, ce qu'elle avait souhaité ne pas lui montrer la gagna d'un coup, une peine si lourde, si douloureuse, qu'elle ne put s'empêcher de mettre son visage dans ses mains, tentant vainement de retenir ses larmes.

— Je vous en prie... ne parlez plus...

Elle l’implorait cette fois, elle ne voulait plus avoir à écouter sa voix si emprunte de calme, si douée pour amadouer ; elle qui croyait ne plus avoir à l'entendre, car l'ayant cru définitivement guéri, elle qui avait espéré détenir assez de force pour que sa présence ne l'affecte pas, elle était lamentablement terrassée par ce qui l'avait toujours hantée.

De longues minutes passèrent dans ce silence, que seuls les crépitements du feu alimentaient. Lorsqu'elle releva son visage, Clare remarqua alors que sur celui de l'homme, des larmes venaient également de couler.
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptyJeu 16 Aoû - 20:23

Clare Hare 190301024351208771

Elle ne croit pas s'être jamais souvenue de quand.
C'est un peu toute la particularité de l'enfance : les souvenirs et l'ordre dans lequel on se les repasse. Elle sait seulement que c'était il y a très tôt, quand elle apprenait à confectionner des rosaces en papier et que, à plusieurs mètres de là, sur l'autre berge, un groupe d'enfants courraient sur la plage en compagnie de ce qu'elle discernait être des grands chiens.
Loana, restée auprès de son père, préférait s'amuser à dessiner une couronne de fleurs. Elle était magnifique dans sa robe lavande, inquiétait déjà son père de par la beauté délicate de ses traits. Lui qui aurait aimé rester le seul homme de sa vie, il répétait à sa femme que les garçons deviendraient un problème, eux qui ne pensaient qu'à une seule chose - et il savait de quoi il parlait ! Marisa avait beau lever les yeux au ciel, lui souligner que les hommes et les femmes finissaient parfois par se rencontrer pour le meilleur, qu'ils en étaient un exemple concret et que Loana trouverait, peut être plus tard, quelqu'un pour prendre soin d'elle, la seule réplique valable de son père restait ostensiblement la même :" Prendre soin d'elle ? Inutile ! Elle a déjà un père pour ça! Crois-moi quand je te dis que je sais à quoi pensent tous les garçons, hors de question que..." et cela n'en finissait plus.
Pour l'instant, Loana n'avait que trois ans. Pour l'instant, Clare ne les écoutait pas, ayant délaissé sa feuille et ses crayons, elle s'était penchée à la barrière de la terrasse en bois, celle de leur cottage plein pied sur le sable houspillé par l'humidité, le sel et le vent, et qui demandait trop d'entretient d'après les dires de ses parents.
La bourrasque faisait tournoyer ses cheveux juste devant ses yeux plissés.

Au loin, la seule grande silhouette du groupe les salua soudain de la main. Sa mère répondit à son geste, avant d'aller ramasser les feuilles de Clare qui menaçaient de s'envoler.

— C'est qui ? que demanda Clare, sans les lâcher des yeux.

— Des voisins. répondit sa mère d'une voix faussement dégagée.

— Celui que tu m'as dit c'est des loups ?

Ses parents échangèrent un regard qu'elle ne vit pas.

Des païens, Clare. Oui, ce sont bien eux.

— Oh.
lâcha-t-elle dans un souffle. Elle se pencha de plus belle contre la barrière de bois pour mieux les observer. Après quelques secondes, sans crier gare, elle tourna vivement sa tête vers ses parents, son visage animé d'une volonté qui détonnait pour son âge.

— Je peux aller jouer avec eux ?

Cette fois, elle vit leur expression interdite. Sa mère resta silencieuse de longues secondes alors que son père venait de froncer des sourcils. Et Loana se plaignait parce que le crayon rose était trop loin au centre de la table pour qu'elle puisse terminer sa fleur.

— D'accord, mais pas longtemps.

— Je doute que ce soit une bonne idée.

— Elle a bien le droit de se faire des amis.

— Je préférerais que...

— Humphrey, laisse-la vivre un peu... s'il te plaît, ce n'est qu'une enfant.


La mâchoire de son père se crispa. Replaçant correctement Loana, qui s'était penchée avec véhémence vers le crayon rose hors de sa portée, il acquiesça brièvement de la tête. Il n'en fallut pas plus à Clare pour s’exclamer de joie et dévaler les marches du perron.
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptyDim 18 Nov - 0:20

17  Juin 2018.
Niveau 0, sous-sols de Westminster.



_ Merci de bien vouloir patienter, mademoiselle Hare, Monsieur Stanhope va vous recevoir... répéta, une fois de plus, la majordome de maison d'une voix rasée.  Ses yeux critiquaient les aller-retour incessants de Clare sur le tapis piqueté de broderies dorées, comme si elle craignait que les nombreux passages ne dénaturent le tissu hors de prix.

— Quand sera-t-il là ? demanda abruptement la théologienne.

— Je ne sais pas. Si vous pouviez vous calmer.

— Je suis calme, parfaitement calme.


Elle l'avait dit d'un ton qu'elle espérait convaincant, mais l'air sceptique de la majordome ne trompait pas...

L'attente lui était insurmontable. Plus elle restait en ces lieux, plus elle prenait conscience de sa connerie.  Une petite voix dans sa tête répétait "mais qu'as-tu fait ? MAIS qu'est-ce que tu FOUS ici !? Es-tu devenue folle à ce point ?! POURQUOI ?!"

Elle avait attendu avec fébrilité des nouvelles des officiers sur le terrain au même titre que tous les autres - malgré qu'ils se soient adonnés à leurs tâches respectives, cela avait paru très peu naturel.
Une heure plus tard, un officier en chef était venu échanger des infos à voix basse auprès de certains, qui s'étaient dépêchés de faire passer le mot à d'autres. Mais personne n'avait daigné communiquer avec Clare. Leur attitude était devenue agitée, leur visage blanc, beaucoup s'étaient jetés sur les téléphones.

— Il se passe quoi, il se passe quoi ? avait murmuré Clare entre ses dents.

Puis, par la fenêtre, elle avait alors aperçu les officiers qui revenaient.
Certains, mais pas tous.
Clare avait bondi de sa chaise tel un ressort pour gagner le hall comme si sa vie en dépendait, si vite qu'elle avait pu arriver parmi les premiers. Le Sergent avait beuglé qu'on lui fasse de la place.

— Que s'est-il passé ? avait crié Clare sans que nul ne lui prête attention
— Combien de victimes ? avait demandé le Sergent d'un ton grave. Le hall était devenu étouffant sous le poids du monde qui y régnait.
— Je ne sais pas, ils nous ont vite déposés... Ils avaient besoin du fourgon pour transporter ceux dans le besoin... avait répondu l'un des officiers exténués dont la face était marbrée de poussière.
— Des victimes ?! s'était étranglée Clare alors que tout le monde gardait le silence.
— Combien de mes officiers sont morts, Jacob ! Combien !
— Quoi ?! Mais bon sang que diable s'est-il passé ?!
— Ca suffit Clare, fermez-la !

— J'EXIGE DE SAVOIR CE QUI S'EST PASSÉ ! QU'ON ME LE DISE !

Son hurlement avait provoqué l'ahurissement de toute l'assistance. Jamais encore ils n'avaient vu Clare hurler de la sorte.
La tête du Sergent s'était tournée vers elle avec une lenteur qui paraissait rouillée, degré par degré, à la manière d'une poupée de film d'horreur. Ses yeux exorbités avaient donné l'impression qu'il allait commettre un massacre.

— Vos amis.... de la Triade ont foutu la merde avait-il dit, hachant chaque syllabe à travers ses dents.

— Ils ont attisé la colère des manifestants.... une bombe a explosé.

Silence.
Clare était restée sonnée.
Loin de paraître choquée ou étonnée, juste incroyablement, indubitablement... inexpressive.

Après quelques secondes cependant... à la surprise de tous, un petit sourire avait étiré ses lèvres. Sidérée, la grimace du Sergent s'était déformée en une expression si enragée que quelques-uns avaient jugé bon de s'approcher de lui par crainte qu'il ne fasse une chose regrettable.

Et alors, contre toute attente, Clare avait éclaté de rire.

D'abord un petit gloussement, une main vite posée sur sa bouche, elle-même étonnée par sa réaction, ses yeux grands ouverts par ce qui lui semblait être une nouvelle très hilarante, ce fut par la suite une véritable salve de sonorités à laquelle ils purent assister, un trille portant son écho jusqu'à hauteur du plafond, résonnant en un vacarme d'autant plus assourdissant que tous étaient trop abasourdis par son comportement pour prononcer quoi que ce soit.

— Que... qu'on la sorte ! QU'ON LA SORTE D'ICI SUR-LE-CHAMP OU JE LA TUE VOUS M'ENTENDEZ! JE LA TUE !!!

Penchée de tout son saoul, se tenant le ventre de sa main libre, Clare s'était laissée attraper, traînée par les officiers, son rire continuant de crever l'air.

Aaaah, la langueur des nouvelles.
Elle avait pensé : "quelle absurdité sans nom"

C'était absurde, absurde.
Pourtant, pas moins que ce qu'elle s’apprêtait dorénavant à faire.

Après un temps douloureux, la porte du salon s'ouvrit enfin. L'air alerte et décontenancé de l'homme qui se tenait sur le pas de la porte prouvait que jamais, vraiment jamais, il n'aurait cru assister à un tel moment.


— Clare ? demanda-t-il, presque inquiet. La majordome préféra se retirer maintenant que le tapis n'était plus malmené.

— Je... Clare déglutit, accrochant un sourire bancal, un peu fou, difficile à tenir, comme si elle devait tirer sur un fil pour le raccrocher à chaque fois.

— Quoi donc ? Bon Dieu, mais parle donc !

Abraham Stanhope était très pâle et amaigri. Quand elle avait refusé de le soigner à nouveau, il avait, à son propre effarement, promis de tout tenter pour que cela n'arrive pas. Elle ne savait pas comment il s'y était pris pour convaincre ses pairs, mais cela ne lui avait pas réussi au teint.

— J'ai changé d'avis. J'ai changé d'avis, d'accord ?! Je vais vous aider ! finit-elle par crier, sur la défensive.

Il cligna des yeux, rabaissant mollement la main qu'il avait gardée sur le pan de la porte. Ils partagèrent un bref regard, perdu. Deux naufragés, et elle coulait... elle coulait.

—, Mais vous devez... en échange, vous devez faire quelque chose pour moi.
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptySam 24 Nov - 2:01

Il n'était qu'aux prémices de ce qui deviendrait une terrible maladie, et pourtant il possédait déjà, à ce stade de sa vie, cette lueur particulière dans le regard, floue et démente, pareille à celle d'un marin qui n'aurait plus vu le jour. Son oncle avait toujours préféré Loana, tout le monde préférait Loana, elle était l'incarnation d'une candeur que les humains finissaient par quitter. C'est pourquoi il s'était assis juste à côté d'elle sur le canapé de leur salon, sa face vieillie par une barbe hirsute et ses yeux injectés de sang.

Comme seul moyen de défense offert par ses sept années, Clare s'était assise entre eux avec cet espoir, mal habile, de prétendre à sa protection.

Ils regardèrent la télé en silence. Loana était aussi calme qu'une enfant peut l'être et Clare, les yeux rivés sur l'écran qui ne voyaient pas les images, triturait ses mains.


— Des chics gens vos parents ! beugla brusquement son oncle. Clare avait pourtant prié pour qu'il ne lâche pas un mot...

Elle ne tourna pas sa tête. Elle se disait : tu es une théologienne, et les théologiens aiment l'équilibre, ton oncle est fou parce qu'il adore la magie, alors il adore l'équilibre... alors tout va bien.


— Votre papa... votre papa m'a foutu dehors à bon coups de pied au cul. Ah ! Le pouvoir de votre maman n'y est pas étranger... mais ça ne fait rien, toute famille a son lot de disputes. Hein ? J'ai pas raison ?

Elle ne répondit rien. Loana formula un petit "oui" timide. Lentement, son oncle pivota vers elles. Clare put sentir son haleine qui puait l'alcool. Poussée par un réflexe inconnu, elle attrapa le bras de sa soeur.

"Tu dois pas écouter ce qu'il dit. D'accord ?" lui souffla-t-elle mentalement.

Son oncle pencha sa tête sur le côté, ses yeux rougies voguant vers la main de Clare.


— C'est quoi ça, Clare ? gloussa-t-il, dévoilant une rangée de dents sales. — Tu crois que je suis dangereux ?

— Non répondit Clare d'emblée. Elle inspira, étreinte par une boule dans son estomac : un malaise né d'une sensation plus désagréable que la peur... la gêne.

— C'est ma soeur, on est proches et voilà...

Il resta sans bouger durant un temps interminable, à la jauger tandis qu'elle fixait ses pieds.

— Tu ressembles à ma fille. lui dit-il finalement. L'odeur de bourbon émanant de sa bouche lui fila la nausée. Elle hocha de la tête parce qu'elle ne savait pas quoi faire d'autre.

"Papa ça va ? Papa pourquoi tu es bizarre ? Je veux retrouver mon papa d'avant !"

S’esclaffant, il leva sa main vers elle. Clare aurait pu reculer, ou même se lever, mais elle ne fit rien. Parce qu'on lui avait toujours dit qu'il fallait obéir aux grandes personnes et que la peur, la véritable frousse face à un adulte, développa chez elle un étrange mécanisme de défense : elle resta passive.

Mais son oncle ne fit que désigner ses yeux agrandis par la crainte.


— Tu as le même regard qu'elle quand je te parle.

Retenant sa respiration, elle sentit Loana se recroqueviller sur le canapé.

Au même moment, la porte s'ouvrit avec violence.


— QU'EST-CE QUE TU FOUS ICI ! s'écria son père.

Sa tête ruisselante d'eau et ses cheveux en bataille, il fonçait vers lui.


— Clare, Loana, dans votre chambre, tout de suite !

— Oh Humphrey , quel plaisir !

— Tu la fermes ! QUI t'a permis d'entrer?!

— Ola doucement, doucement ! Je n'ai plus le droit de rendre visite à mes nièces ? J'ai gentiment expliqué à la nounou que j'étais leur oncle, que je souhaitais passer un peu de temps avec elles... Tu connais mon talent de persuasion.

— Clare, Loana, j'ai dit DANS VOTRE CHAMBRE !!!

Elles se levèrent d'un bond. Loana s'éclipsa au pas de course mais Clare, dont les jambes flageolantes ne supportaient plus son poids, n'arriva qu'à s'adosser au pan du mur le plus proche.

— Je t'y emmène Clare, bougeons d'ici...

—  Eh bien eh bien Humphrey  ! Quelle forte figure tutélaire ! Clare, comment est ton papa ? Est-ce qu'il te protège même des gouttes de pluie ? Parce qu'il pleut dru aujourd'hui et...

Perdant son sang-froid, son père fondit vers lui et l'attrapa par le col de sa chemise.

— DEHORS ! rugit-il.

Les mains levées en l'air dans le rôle de l'innocent, son oncle afficha un autre sourire mielleux, l'éclat de sa dent plombée pour clin d'oeil.


— Ou sinon ? Tu vas faire quoi Humphrey  ? Me frapper ?! Devant ta propre fille ?! Ô mais tu sais, tout enfant finit un jour par grandir. Ce petit visage que tu vois ne tiendra plus qu'à une expression vénale une fois adulte, que l'on retrouve d'ailleurs chez ma tendre soeur... Elle aussi, elle fut enfant, pas aussi belle que Loana mais elle avait, tu sais, ce genre de pureté.... Ô oui, hinhinhin, mais arrive un moment où les petits anges grandissent et alors... Dis-moi, Humphrey , quel effet ça fait : de tringler ma soeur ? Est-ce que tu prends ton pied à chaque fois ? Ou bien vous avez besoin de varier les plaisirs pour... le coup de poing partit tout seul, si fort que Clare entendit la mâchoire de l'homme craquer. Il s'écroula au sol et lâcha un rire de dégénéré.

— HinhinhinHAHAHAHAHA !!

Clare assista, impuissante, à la scène de son oncle abandonné à son hystérie et que son père rouait de coups.

— Humphrey ... non... arrête ! Arrête, il est FOU ! Il est juste FOU !

Sa mère venait de rentrer à son tour.
Elle se jeta sur lui et attrapa son bras pour l'empêcher de frapper encore.


— Humphrey , il est malade... je t'en prie...

Le souffle sifflant, son rire rendu aigu par la douleur, l'oncle leva son visage marbré de sang, tentant d'apercevoir sa soeur à travers ses paupières défoncées.

— Oh la voix de la raison.. Tu incarnes maintenant les saintes, Marisa ? Quelle vicieuse petite hypocrite, perfide démon.... ahha... Derrière la fente de sa paupière la moins abîmée, il croisa le regard de sa nièce toujours figée contre le mur.

— ...tu vois Clare, ce qu'est en réalité ton papa chéri ? Un papa, c'est un monsieur comme moi, exemplaire par devant, mais très tordu par derrière... par derrière... hein Marisa ? HAHAHAHA !

— Ca suffit... hors d'ici, hors-de-chez-moi... siffla son père. Il l'attrapa par les cheveux et, insensible aux protestations de sa femme et aux hurlements de douleur de l'homme, le traîna jusqu'à la sortie.

Clare se souvient du tonnerre qui grondait, du flash furtif de l'éclair qui illuminait le salon comme les clichés d'un vieil appareil photo : dessus s'était gravé le visage démoli de son oncle. Il lui disait que : "tous les enfants finissaient, en grandissant, par devenir méchants."

Mais son image n'était pas un souvenir, il prenait forme. Il tournoyait au sein d'une eau avalée par le trou d'une bonde qu'on retire, et tout en se distordant dans le tourbillon il hurlait : tu sais ce que j'ai fait ! Parce que ma femme ne voulait pas que je vois mes enfants ! Tu sais

ce que je leur ai fait ?
Clic
Clac

PAN.

Dans un glapissement de souris, Clare tourna sur elle-même. Sa chute fit trembler le parquet. Des bruits de pas s'approchèrent et la porte de sa chambre s'ouvrit, laissant apparaître un Perkins en chemise de nuit affublé d'un grotesque bonnet triangulaire.


— Vraiment ?! Ne me dis pas que tu es, encore, tombée du lit...

— Aaaah Perkins, tais-toi, tais-toi donc... et aide-moi à me relever !
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptyDim 10 Mar - 17:47

2 Juillet 2018
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Les lames de fond rendent d'abord le calme,
avant toute catastrophe.


Le dîner était silencieux. Ce silence était de coutume, mais depuis cette dernière semaine ce n'était plus seulement Clare qui se taisait. Abraham Stanhope en faisait de même. L'on n'entendait que les couverts racler, et les pas de la servante dans la cuisine d'à côté.
Le trait de lumière, échappé par l'embrasure des rideaux, frappait sur le visage tracassé du vieil homme.
Clare n'y faisait pas attention. Elle essayait de contenir les tremblements de ses mains qui s'échinaient à découper sa viande. Elle avait été réveillée aux aurores par la majordome de maison qui ne la portait pas dans son coeur. Cela faisait maintenant six jours qu'elle était maintenue en résidence, et à chaque nouvelle journée, elle devait se préparer à répéter son foutu mantra.
Mais ce matin-là, la majordome avait dépassé une ligne, que Clare lui avait rappelée.


— Vous devez y mettre toute votre énergie dedans.

Sur le point de tremper ses doigts dans la coupe d'eau, Clare avait arrêté de murmurer ses prières. Son regard interloqué s'était levé vers la majordome.

— Excusez-moi ? Ses lèvres gercées, son teint d'une pâleur maladive, parachevaient ce tableau que la majordome aurait dû voir se dessiner comme une alarme.

— Monsieur Stanhope est très affaibli. Si vous ne donnez pas le meilleur de vous-même...
— Parce que vous pensez que je ne le fais pas ?
— Je voulais juste vous rappeler...
— Dîtes-moi Amanda, qui croyez-vous être, au juste, dans cette demeure ?


La majordome avait cligné des yeux.

— Je...pardon ?
— Qui êtes-vous ici ? ICI ! QUI ?!


La majordome était partie à reculons devant la virulence de Clare qui s'était avancée vers elle, sa coupe d'eau serrée dans sa main.

— Parce que vous servez un dirigeant, vous avez tout à coup l'impression de faire partie de la royauté ?! Et les pièces fermées, les avez-vous vues ?
— Les... les quoi ?
— LES PIÈCES FERMÉES IDIOTE !
Avait hurlé Clare en jetant sa coupelle en bronze. Celle-ci avait volé à travers la chambre pour l'atteindre de plein fouet. La majordome avait émis un petit cri aigu, ses bras levés en avant.

— Tous ceux qui sont partis ! Votre prédécesseur mort ! Ne venez pas en terrain conquis ici ! Ne vous avisez jamais plus de me donner des ordres !

La porte s'était ouverte, laissant apparaître Abraham qui, une main portée à sa robe de chambre, l'autre sur le pan, avait vite deviné l’aboutissant de la scène.

Il s'était raclé la gorge. La majordome lui avait envoyé un regard suppliant, et Clare avait continué à fixer sa proie.


— Bien... Amanda, je vous prierai de sortir.
— Monsieur... je suis désolée.
— Evitons les jérémiades, sortez.


Clare l'avait suivie du regard tandis que la majordome apeurée avait longé le lit à baldaquin pour se tenir à distance d'elle.

— Je ne la veux plus dans cette chambre, plus jamais, avait fini par murmurer Clare. Elle était retournée s'asseoir pour reprendre ses rituels alors que la majordome avait déjà disparu par la porte. Las, Abraham avait refermé derrière lui pour laisser Clare tranquille.

Cela s'était passé ce matin. Vers les coups de dix heures, elle avait profité que Abraham lise un livre au coin de la cheminée pour s'asseoir auprès de lui, lui attraper la main, et se concentrer. Ils étaient restés silencieux, là aussi, durant près d'une heure. A la fin, Abraham l'avait regardée pour s'assurer de son état.. C'était que Clare avait caché son visage de sa main libre, sans doute pour masquer ses larmes. Elle aurait voulu envoyer voler pas mal de choses dans ce foutu salon, mais elle avait simplement répondu d'une voix étranglée "Je vais bien..."

L'après-midi, elle s'était plongée dans la contemplation d'une mèche de ses cheveux qu'elle avait elle-même coupée. Elle avait pensé qu'il s'agissait d'un grand prestige : si elle venait à mourir maintenant, ces cheveux, eux, seraient intacts : avec leur texture, leurs pointes fourchues, leur couleur... Le reste de sa chambre avait été mis sens dessus dessous.

En passant dans le couloir, avant le dîner, elle avait entendu la majordome chuchoter à l'oreille d'une des femmes de ménage :


— Ne connait pas sa place. Complètement folle ! Si vous aviez vu avec quelle violence elle m'a agressée ! Et ce bon monsieur Stanhope qui lui laisse tout passer... Croyez-moi, je n'ai encore jamais vu quelqu'un servir les dirigeants en étant si gâtée !

Soudain la majordome s'était tue, raide. Elle avait capté le regard noir de Clare, qui la fixait à travers la porte ouverte. Mais celle-ci avait repris son chemin sans rien dire...

Et maintenant... maintenant, il y avait ce satané morceau de viande qu'elle n'arrivait pas à couper. La majordome de maison, bien sûr, n'était pas là. Il n'y avait qu'un serveur qui attendait la fin de leur repas. Et Clare et Abraham, d'un bout à l'autre de cette table trop grande.


— Clare, nous devons parler... dit finalement Abraham Stanhope après ce long, long silence dînatoire étendu sur la semaine.

Cette dernière ne l'écoutait pas. Alors qu'elle voyait une viande intacte et immangeable, celle-ci avait, en réalité, était réduite en charpie depuis un bon moment.

— Clare...
— Il m'est impossible de manger convenablement
murmura-t-elle.
— Clare !

Elle leva ses yeux vers lui. Dans l'ombre de sa place, elle ressemblait presque à un animal sauvage. Plein d'idées se bousculaient dans sa tête mais elle se focalisait juste sur la viande, la viande, la viande... et le regard d'Abraham, couplé à ces pensées de viande, lui donna subitement la nausée. Elle s'imaginait que quelqu'un allait découper ce visage de la même manière qu'elle-même le faisait avec sa viande.

— Nous devons parler...

Elle posa ses couverts sans pouvoir refréner ses tremblements. Elle inspira, se massa les yeux pour détacher toute vision sanguinolente.

— Tu es une femme avisée, n'est-il pas ? Clare fronça des sourcils. Elle ne comprenait pas ce qu'il voulait signifier.

— Je... suppose.

— En tant que femme avisée, j'accepte de te faire confiance. Est-ce une bonne idée que je te fasse confiance ?


Clare rouvrit les yeux instantanément, frappée par une vive angoisse. Savait-il ? Pouvait-il savoir ce qu'elle avait cherché à cacher avec tant de véhémence ?!

— Bien sûr, lâcha-t-elle, le coeur au bord des lèvres.

— Pourtant il y a cet incident... sais-tu de quel incident je veux parler ? lui demanda calmement Abraham qui s'essuyait la bouche du coin de sa serviette, pour ensuite la reposer dans l'alignement de ses couverts. Clare garda le silence, figée sur sa chaise.

— Certains de mes collègues ne partagent pas mes méthodes. Ils me trouvent trop laxiste à ton égard. Es-tu conscience que tu es l'une des rares à bénéficier d'un droit de sortie ?

— Je le sais, je le sais...
murmura Clare.

— Pourtant, tu continues à profiter de ma candeur d'esprit.

— Non je... nous avons passé un marché.

— Au sujet de l'officier Davis, oui, je sais.
Coupa net Abraham. Sa voix était un avertissement réprobateur, lourd de conséquences, qui fit se replier Clare sur elle-même. Ce n'était pas la première fois qu'elle se trouvait en face du regard sévère de Abraham, pas la première fois qu'elle y ployait lamentablement, mais elle avait oublié à quel point elle en avait peur. Abraham sourcilla quand il comprit la réaction de Clare.

— N'aie pas peur Clare,  mais tu dois comprendre...

— Je ne voulais pas. Il était... je... il me rappelait...simplement.. mon passé
glapit-elle.

Abraham leva un sourcil surpris.


— L'agent James te rappelait ton passé ?

Coup de massue. Clare cligna des yeux, avant de ciller.

— Je... Oui.

— Qui te rappelait ton passé Clare ?
demanda précipitamment Abraham qui comprit aussitôt son mensonge. Il était si curieux de connaître l'identité de ce inconnu qu'il s'était penché en avant.

— L'agent James, puisque je vous le dis ! Elle se releva tout de go.

— Vraiment...Et c'est pourquoi tu l'as soigné ? dit-il d'un ton clairement dubitatif.

— Oui !

— Bien que tu saches que tu n'en avais pas le droit ?
— Oui !
Elle venait de hurler en reculant. Les vapeurs des ombres l'enveloppaient d'une étrange manière. Elle y revoyait le docteur, et le regard froid de Milàn, puis ce loup, Fang, soudain apparu au centre de la table, allongé dans un plat, les pattes écartelées et les côtes saillantes.

— J'ai été faible, faible...  pardonnez-moi.. se lamenta-t-elle, glissant à terre contre le mur que son dos venait d'atteindre. Le serveur à leur côté tâchait de garder un air impassible, mais la gêne était lisible sur son visage.
Abraham se leva. Il fit signe au serveur que le repas était terminé.


— Je ne suis pas seul décideur de ton sort. Pour l'instant, tu resteras ici... Mais à l'avenir, ne rends pas les choses difficiles. Elles le sont déjà suffisamment comme ça...
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptyVen 24 Mai - 1:12



Clare Hare 586b604d4d34ab1ff671a9a1fd6d80c1
une deux trois, plein de fois

C'était l'océan.
L'océan qui prenait comme il rendait, sur le sable et les embruns, cette plage, elle respirait qu'il semblait, et en son sein il venait, il allait par un roulement perpétuel qui passait au travers des coups, l'océan. Sur le squelette de la terre, c'était l'écume des vagues comme des pâles branchies froufroutantes,  ce par-dessus de la nature déserte, les orteils dedans pour l'une, les doigts de pattes pour l'autre, que la petite fille et le jeune loup longeaient,, et tant pis s'ils étaient trempés. La main de la fillette posée sur sa tête, son museau baissé vers plein de morceaux polis de possibles bouteilles jadis éclatées, il l'écoutait qui parlait beaucoup. Ses grognements furent mal interprétés parce qu'elle lui répondit :

— Pas vrai ? C'est fou... Et ensuite il a ...

...glissé du bord de la ravine. Il connaissait cette histoire par coeur. Elle lui disait toujours qu'il fallait raconter la même histoire plusieurs fois.

— "Parce que sinon, ça servirait à quoi d'écrire des livres si on les lit qu'une fois ?" C'est ce qu'elle dit, ma maman.

Il a éternué, exaspéré. La petite fille s'est arrêtée, les sourcils froncés. Elle a posé un genou à terre, sur le sable ramolli par les vagues chenues, a attrapé sa tête de loup entre ses mains froides avec une douceur assez agréable.

— T'es tombé malade ? Ses cheveux étaient tout emmêlés à cause du vent. Dans ses yeux, un réel tracas. Il a grogné, le coin de sa babine étiré par un rire moqueur qu'elle ne devinait pas, parce que lui, tomber malade... franchement.

"Nan idiote, j'suis juste allergique aux histoires longues."

— C'est affreux...

C'est affreux. Il n'y avait qu'elle pour dire ça, à son âge, dire "c'est affreux" d'ailleurs, c'était surtout n'importe quoi. Avec la même douceur, la petite fille l'a pris dans ses bras, ses petits bras pas puissants du tout. Elle ne pensait pas qu'un loup, lui, était fort et dangereux. Mais il ne grogna plus, cette fois. Ils restèrent ainsi, un moment qui dut s'avérer long car, lorsqu'ils se dégagèrent, le soleil déclinait déjà.
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptyMer 8 Jan - 21:32

Clare Hare 63e8a3e870017cc005787a7326ff7117

— C'est comment des théologiens ?
Se frottant le nez avec sa manche, elle haussa des épaules.
— Je sais pas... c'est normal.
— On raconte qu'ils sont un peu fous, c'est pour ça que tu préfères rester avec nous ?

Elle ramassa un caillou en silence, le lança ; il résonna dans la grotte. Les plus vieux des cousins étaient partis en "exploration commando", Lukas à la tête, sa frange pleine de gel vraiment ridicule coiffée de la sorte. Ils leur avaient dit qu'ils n'avaient pas assez de lampes de poche. Et puis, aussi, que les explorations commando, "c'était pas pour les bébés".
Tous deux étaient donc restés assis à l'entrée de la grotte. Le petit garçon leva ses yeux vers la voûte en pierre.


— Y'a des lambdas qui viennent ici, tu savais ? Un jour Matthias, il les a vus. Comme il a dû vite se retransformer, il était à poil il pouffa, ramassa à son tour un plus gros caillou — Grand-Ma' lui a filé une de ces raclées. Il le lança, plus loin que celui de Clare.

— On raconte que faut pas leur parler parce que c'est dangereux, tu sais pourquoi ?
— Mon papa dit que c'est à cause de la Triade.
— Comment elle pourrait savoir à qui on parle ?

Elle haussa à nouveau des épaules.
— Je sais pas. Mais mon papa dit qu'ils sont dangereux.
— Les lambdas ?
— La Triade. Mais ma Maman dit que les lambdas aussi sont dangereux quand ils ont peur.

Le petit garçon soupira d'un ton qui se voulait exagéré. Chez Matthias ça sonnait naturel, mais chez lui Clare trouvait que ça sonnait juste marrant.
— C'est compliqué tout ça.
— Oui.
Ils regagnèrent le silence. Non loin, une nuée de volatiles particulièrement bruyants nichait dans les crevasses de la falaise. D'après le petit garçon, c'était "la limite". "
"C'est aussi pour ça que la grotte fait peur tu sais. Parce qu'on dépasse un peu la limite."
"La limite ?"
"De notre territoire."
Elle se souvient lui avoir lancé un regard sans comprendre.
"Territoire ?"
"Oui. Tu as pas de territoire, toi ?"
Elle avait dit non de la tête.
"Ben nous oui. Et ca peut grave barder si on va plus loin."


"Grave barder." elle avait été heureuse d'apprendre un nouveau mot. Perdue dans ses pensées, elle n'avait pas remarqué que le petit garçon la fixait maintenant.

— Qu'est ce qui y'a ?
— Toi t'as pas peur ?
— De la Triade ?
— De la grotte.


Elle fit non de la tête.
Le petit garçon fronça des sourcils. S'amusant avec un troisième caillou, il ne le lança pas cette fois.


— Ouais, bien sûr... moi non plus...
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptyDim 12 Avr - 23:47

début septembre 2018

Son mal de tête semblait taillader les neurones à proximité de ses tempes. Elle s'était habituée à cette algie comme un ladre l'est à la lèpre. Etrangement ce soir, le fait de ne pas avoir d'autre choix que de subir la douleur, en l’occurrence ne pas être forcée de faire un choix, étancha suffisamment son état.
Dans la brume, elle suivit le trottoir situé à deux venelles de son immeuble. Elle avait marché de longues heures. Si le couvre-feu n'avait pas menacé de rajouter une pierre dans son sac déjà lésé, elle qui surnageait depuis des mois, elle aurait bifurqué de son itinéraire initial. Le Chez Talula lui manquait. La face de bûcheron du videur. Les pouilles des prostituées qu'un client flousait; mais qui finissait par donner le bon compte sous le regard veilleur de Woodrow. Le récit de ces dernières aussi. Pour la plupart de ces filles, vendre leur corps n'avait été qu'une question de survie. Marquant des pauses dans la lecture de ses dossiers, elle avait prêté l'oreille à leurs histoires. Certaines s'étaient éprises de son visage absent, de ses gestes lents, de sa manie d'écouter sans se faire juge. "Si tu veux Clare, on peut en parler là haut, dans ma chambre, tu auras même pas à me payer." lui avait une fois murmuré l'une d'entre elles. Un peu surprise sur le moment, Clare n'avait jamais considéré qu'être à voile et à vapeur puisse se remarquer chez elle. Mais ce n'était pas son métier, après tout, de deviner le penchant de clients. Elle les avait toujours remerciées par un refus poli.

Au final, Clare était devenue un sujet discret, disposé en toile de fond dans ce paysage ambigu. La détective avait assez vite présumé que la tenancière ne la porterait pas dans son coeur, dès leur premier échange. Ce qui lui convenait à priori. Il était toujours plus facile de s'exclure des enjeux d'un établissement quand son patron vous tenait en grippe.

Alors, à l'ombre du salon de l'hôtel, elle restait une silhouette solitaire satisfaite par la compagnie usuelle des journaux et des cafés. Pas d'alcool pour égayer ses études criminalistiques, ni de tabac.
Quand Woodrow cassait la gueule d'un client, on aurait pu croire qu'en sa qualité de limier elle en lève les yeux, s'interroge. Mais là encore elle restait ostensiblement indifférente, détachée, travaillant avec une diligence comme née sur ses dossiers.
Ca, bien sûr, c'était avant que le Chez Talula ne ferme.

Arrivée au pas de son appartement, Clare fouilla dans sa poche, celle de droite. Dans la gauche, il y avait trois petites fioles récupérées de la pogne de Silvan. Après avoir tourné la clé, Clare se figea, main sur la poignée de la porte restée verrouillée. Finalement elle tourna la clé une seconde fois, et la porte s'ouvrit.
Le salon était plongé dans une obscurité presque parfaite.
Son horloge, rangée dans la bibliothèque à deux corps du salon, coupait le silence en parts égales.
Clare entra. Elle déposa le trousseau sur le coin du meuble verrier à l'entrée, puis accrocha calmement son impair marron sur le troisième crochet du porte-manteau en partant de la gauche. Les détectives n'avaient pas tous de vieux impairs couleur de fouine, rien qu'un délire de fiction, des idioties romanesques. Dans la réalité, un détective était le monsieur tout le monde par excellence, une pratique courante pour étouffer les soupçons.
Mais les impairs étaient portés par une large majorité d'employés au niveau 0. Sa garde robe, sélectionnée loin de ses soins, avait eu une incidence sur sa vie au dehors. Clare était, en quelque sorte, dépendante des habitudes. En dessous de ce manteau, une chemise en coton à fins carreaux noirs et turquin, et son pantalon anthracite, en lin ; de la fine qualité... Sans allumer la lumière, elle se traîna jusqu'à son fauteuil, positionné juste derrière l'immense baie aux carreaux flous que les rideaux recouvraient ici. Elle s'y assit dans un soupir de douleur et regarda un moment le plafond, attendant, les sourcils froncés, avant de dire...


— Hélas, ce n'est pas encore ça Versati..

On aurait pu croire qu'elle se parlait à elle-même. Mais contre toute attente, une expiration contrariée vint briser le calme apparent.

— Bon. Qu'est-ce que j'ai loupé cette fois ?

La voix s’élevait depuis le canapé, invisible dans le noir.

— La senteur récurrente de tabac bon marché. Et la porte. Je ne la ferme jamais à double tours.

Il grogna, se leva pour allumer la lampe à pied du salon, celle qui tirait à l'orange.

— J'avais bien le droit d'essayer, hein ?

L'homme imposant, fort et grand à la fois, ses cheveux blonds coupés à raz, entreprit d'ôter les dernières traces de peluche accrochées à sa veste.

— Tu as déjà songé à bazarder ce canapé ? A ce stade, plus besoin de coussins pour cacher la misère.
— Un soutient loyal mérite une belle retraite, y compris parmi les objets, surtout parmi eux je dirais...
— Merde. Si tu étais aussi altruiste avec les êtres humains je penserais presque que t'as une âme. Bon, un café ?


Laissant son regard s’appesantir sur le plafond, Clare acquiesça en silence. L'homme se servit de la cuisine comme s'il était chez lui, alla jusqu'à allumer une tige, qu'il coinça entre ses lèvres. L'odeur âcre se répandit bien vite dans toute la pièce.

— Ca a été compliqué. Tu me demandes toujours des services compliqués, mais c'ui là il l'a été, en particulier.
— Je n'aurais pas fait appel à toi si je n'avais pas eu confiance en tes compétences.
— Y'a compétences et moyens Clare, tu le sais...
fit-il en mettant le café dans le filtre, puis en actionnant le bouton de la machine électrique.
Ancien flic, Versati avait un profil atypique parmi les informés. Commun sans pouvoir magique mais bourré de bons tuyaux, véritable antenne à ouïe-dire, il était devenu de plus en plus compliqué de l'effacer, au point que les officiers, sous la pression d'instigations, avait dépaqueté un compromis avec l'ajustement. Le plus troublant fut peut-être que Versati ne parut pas surpris outre mesure après qu'on l'eut informé, pour la troisième fois durant -suite à deux effacements désastreux- l'existence d'un monde magique.


— Ton criminel, c'est un drôle de zigoto. J'ai rien sur lui, ni du côté des lambdas ni du côté des informés. Un vrai fantôme. Pour tes suspicions au Chez Talula par contre j'aurais de quoi moudre du grain.

Clare sentit la frustration, celle de redouter l'inévitable, toucher un point névralgique de ses pensées. Qu'un homme comme Versati ne trouve rien sur le suspect de Daithe confirmait ses soupçons : elle avait affaire à quelqu'un d'extrêmement méticuleux.

Le policier à la retraite se servit dans un tiroir une boîte de shortbread.

— Je vais pas entrer dans les détails. Ca me compromet toujours, surtout avec toi. Mais ça serait un appel qui aurait allumé le feu aux poudres. Le reste, ça a joué sur la mauvaise presse de l'hôtel. Et puis Talula, tu sais que Talula a jamais aimé la Milice et que la Milice attendait qu'un pet de souris pour rappliquer... Au fait, il est toujours vivant le loup qui aime tirer la tronche ?

— Je te corrigerais en disant qu'il est plus chez lui que chez moi. Pour la prochaine fois, il serait préférable... d'appeler. sa voix s'était cassée à cause d'une réelle fatigue : elle voyait des points gris grouiller sur le plafond trop sombre...

— Pourquoi ? Il risque de me mordre ?
— En ce moment, un jeune homme habite également ici, je ne voudrais pas le surprendre.
— Il a fait quoi le pauvre ?


Fronçant à nouveau des sourcils, Clare rabaissa ses yeux sur lui.

— Qu'entends-tu par là ?

Il haussa des épaules, alla retirer la cafetière pleine.

— Bah. Faudrait sacrément être dans la merde pour accepter de vivre avec vous, non ?

La méfiance de Clare fit place à un air de bête surprise. Elle se laissa doucement à rire, presque nerveusement à présent que l'odeur du café, mêlée à celle du tabac, l'invitait à lâcher prise sur cette journée.
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptySam 16 Mai - 19:33

Abraham, par un concours de circonstances qui n'étonna pas Clare, s'était engagé sur cette voie peu recommandable de la discussion autour d'un repas. Il y avait, comme de coutume, le service au complet pour un dîner sans poisson ni dessert - ayant toujours préféré la simplicité des corbeilles à fruits. Aussi les serviettes étaient pliées, soit en forme de mitre, la cuillère à l'anglaise, plus petite que son homologue français, les fourchettes, comme la tradition l'initiait : armoiries sur le manche et dents vers les cieux, le verre à eau, au dessus du couteau de table, suivi par ses fidèles poupées russes : vin rouge ou blanc, sauf pour Clare qui ne but ici que de l'eau. Ils s'étaient entretenus un peu en amont. Décidée à ne rien lui cacher, en quelque sorte, il s'était emprunt d'un silence après son discours sans qu'elle devine s'il lui fut été complaisant ou las. Il avait regroupé ses papiers en un petit tas contre la table de son bureau pour les égaliser, les avait proprement rangés dans son tiroir, refermé à clé.

— ....Est-ce là tout ?

Clare, pour sa part, s'était laissée tomber dans le fauteuil.

— Me croyez-vous capable de mentir à ce sujet ?
— Je te crois capable de beaucoup Clare...


Abraham lui avait paru simplement désabusé par ses dérives et ses caprices.

— Dans l'immédiat, je ne compte plus le revoir, si c'est ce qui vous préoccupe.

Il lui avait lancé un regard sans émotion, puis s'était levé.

— Allons manger. Parler le ventre vide exacerbe les langues.

Les repas à table constituaient pour Clare un rite désagréable. Ils ne lui rappelaient que des échanges froids et impersonnels. Elle privilégiait la faim comme unique appel, qu'importe le moment, chez elle, ne la trouvait-on qu'à grignoter à des heures inégales des mets discutables. Parkins lui même avouait, sur le ton plaisantin, qu'elle en surpassait certains de ses semblables en matière de métabolisme: "tu es une cuve de vieille cylindrée Clare. Un peu d'huile rance, même du jus de betterave ferait l'affaire."

Pour Abraham, en revanche, c'était toujours avec une extrême réjouissance que le dîner se servait sous ses yeux, sur cette immense table où ils n'étaient que deux, d'un bout à l'autre, et où les serviteurs allaient venaient dans un balai de métronome. Voir ce vieil homme assis à la tête de gondole dans ce cadre assez mal éclairé et vide, comme un Tsar seul et exilé, caractérisait la déchéance de la lignée Stanhope, dans toute sa quintessence.

— Reprenons...

Il avait terminé sa soupe, que Clare n'avait pas touchée.

— Mon oncle m'a envoyé une lettre.
— Hautement improbable...
— Je reconnaîtrais son écriture entre toutes.


Il essuya consciencieusement sa bouche du coin de sa serviette. Les mêmes gestes qu'il effectuait, à chaque fois, si emprunt dans leurs mécanismes.

—  Je t'ai parlé des moyens exceptionnels mis en place pour ta protection.
— Alors, il semble que ce ne fut pas suffisant, dit-elle avec un sourire poli.
— Continue...
Elle se risqua à lui envoyer un coup d'oeil coupable
— Puis je me suis rendue chez cet effaceur
— Son nom Clare...
— Puis je me suis rendue chez Milàn James.


Il acquiesça d'un air absent, fit signe aux serviteurs de récupérer leur entrée. L'un d'eux parut attendre l'approbation de Clare pour la débarrasser car elle n'avait rien avalé. Ce à quoi Clare, un peu vive, lui tendit d'elle-même l'assiette : chose très peu protocolaire ; Abraham ne releva pas.

— Mon oncle... Elle arrangea sa fourchette qui n'était pas tout à fait verticale.
— Mon oncle, m'a laissé croire que cet homme avait effacé ma soeur.

Il eut un silence durant lequel Abraham fronça des sourcils. Dit de la sorte, Clare savait que la scène paraissait piètrement illogique.

— Beaucoup de similitudes m'ont trompée. Pour commencer l'âge de cette femme, son profil physique, puis les circonstances qui ont mené à son état. Son nom est Alice Walsh, c'est son prénom qu'il écrivit sur la lettre.

Troublée, Clare releva son visage vers lui. Abraham l'observait sans plus de douceur. Sévère et froid, comme une statue émaciée. Clare tâcha de continuer, et sa main ne faisait plus cas de la ligne droite de la fourchette qu'elle ne cessait de placer, puis replacer sur la table, dans une équation géométrique plus qu'obscure.

— Alors... alors je me suis laissée emporter par ma folie... encore... Elle replaça un pan de ses cheveux derrière son oreille d'un geste hésitant, nerveux.

— Si tel aurait été le cas... je me sentis capable de le tuer... Je-ne-sais-pas -elle détacha chacune de ces syllabes - je ne sais pas... dans quelle mesure ma démence me guide... Ce n'est pas moi, ce n'est plus moi...
— Une fois chez cet homme, qu'as-tu dit ? Qu'as-tu fait ?

Il n'avait pas tenu compte des craintes de Clare. Pour Abraham, manifestement, le meurtre d'un effaceur en surface ne constituait pas un délit très préoccupant.

— Je lui ai sommé de m'expliquer qui était Alice Walsh. Je me suis allée à une scène des plus déplorables... le coin de sa bouche frémit sous l'effet de la honte. Elle racontait ici la vérité, mais Abraham rajouta :
— As-tu parlé de Loana ?
— Je n'ai pu le lui dire...


Clare avait machinalement répondu par une logique irrécusable où "parler de" signifiait "lever le voile sur une identité". Abraham ne s'interrogea pas sur la profondeur de cette réponse, qu'il jugea correcte.
Avant même de franchir le seuil de la demeure, Clare s'y était préparée. Ici, voilà bien longtemps que plus aucune confiance ne lui était donnée. Bien sûr, Abraham avait sagement attendu qu'elle boive son verre d'eau avant de procéder à ces questions... Avec une docilité quasi affable, Clare avait bu, rien de plus, rien de moins qu'un puissant sérum de vérité. Elle déglutit, chercha à amasser sa logique face à ce qui allait arriver.


— Je te crois Clare.... Pour le reste il est important, indispensable, que tu répondes à ce qui va suivre, et que tu me regardes

"Juste quelques secondes", pensa-t-elle. "Juste quelque secondes". Elle s'était habituée à cet exercice depuis son jeune âge. N'avouer que par omission, ou par mauvaise interprétation, dans ces cas là...

— Regarde-moi, Clare.

Elle leva ses yeux vers lui, devenus troubles sous la puissance de la potion.

— Ressens-tu quoique ce soit pour ce Milàn James ?

— Oui.


Sa réponse fut automatique. Dans une incoercible bouffée d'air, elle rajouta en un souffle.

— Je le hais, je hais profondément cet homme... Elle se laissa aller contre le dossier du siège, ferma fort les yeux. Ses pensées s'entrecroisaient.
Si vrai, elle le haïssait : pour ce qu'il lui faisait ressentir, pour ce qui se passait dorénavant au sein de son esprit, et dans l'intégralité de ses journées, depuis le regard méfiant d'Abraham jusqu'à cette conclusion imparable d'avoir été piégée de façon si grotesque qu'il aurait fallu la destituer de ce qui faisait d'elle ce qu'elle avait toujours été, un être de raison, uniquement guidé, certes, par des travers, mais avant tout ce qui restait des méthodes, qu'elles soient démentes ou non, elles avaient toujours eu un sens certain, qui n'officiait plus... plus quand cela touchait à Milàn James.


— Je ne me sens pas dans mon état normal... avoua-t-elle, car elle le pensait fortement.
— Oui.
— Sans compter que je déteste la majordome.
— Ah.
— Et j'ai toujours détesté ces repas aussi...
— Eh bien... voilà une nouvelle surprenante.


Elle saisit son sarcasme, mais ne put relever. Trop de réflexions s'emmêlaient. Elle souhaitait en avouer beaucoup et n'importe quoi à la fois.

— Ne veux-tu donc pas goûter à la viande ?
— Dieu, j'ai la nausée...


Il soupira. Semblant satisfait dans l'ensemble, à l’intonation de cette expiration, plus légère, il leva de nouveau la main pour interpeller le serviteur qui était resté droit comme un piquet au fond de la salle.

— Soyez aimable de la reconduire dans sa chambre. Et pour changer, je prendrai une part de tarte...  
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptyDim 31 Mai - 16:48

Clare Hare 200520105632166664

Là bas sont les berges des enfants
où s'échouent les rêves de leurs parents
...  triste plage.


J'ai ouvert les yeux. Ce fut comme de grandir, d'apprendre que les cigognes ne livrent pas d'enfants, que le père noël n'existe pas ; je vois même que, dans les galeries, il a l'air un peu trop heureux : quand tu t'assois sur ses genoux. Je ne crois pas en la morale humaine. Elle est une limite de société. J'ai compté sur mes doigts. Une deux trois quatre décennies écoulées. La foule des morts m'ayant succédé s'est évaporée dans le gouffre du monde. Qu'est-ce que cette humanité pouvait bien faire, au dehors ? J'y ai sérieusement songé. Ce socle qu'est le système, pour ne pas voir les conscients basculer. Et moi : emmuré dans une pièce sans accès. Qu'étais-je devenu : si ce n'est un rare conscient de plus, détenu par ceux que l'éveil effraie.
Une fois dehors, quel méprisant constat ; de voir que rien n'avait changé. Sous le ciel libre, les hommes n'en faisaient pas plus. Sans cesse ils s'amusent, projettent, s’acquittent de travail
d'impôts
d'enfants
de succès
Puis crèvent.

Une fois devant quatre murs sans affiches à contempler, la futilité des fondations de cette planète apparaissent, claires, de l'eau : bénite par soi et sa conscience.
Il arrivera peut-être que ça t'arrive.
Si tu es assez chanceux.
Au jour de ta mort, il se peut que tu te demandes ce qu'aurait été ton existence si tu avais saisi plus tôt sa fugacité, sa vacuité. Si la peur du néant nous guette, j'ai vécu dans ce vide pendant quinze longues années.
Le temps que tu as consacré à brûler par les deux bouts le creux d'un système, où l'on mange dort baise chie et où l'on se contente, insensément sous peu, de végéter dans un lieu, avec ou sans famille, pour casser quelques morceaux de liens puis les recoller, et enfin vieillir pour n'avoir rien fait d'autre que manger dormir baiser chier : tout cela, sera ta vie. Ne sois pas trop sévère envers toi même, cela dit. Tu fais partie d'une large majorité de milliards à exister de la sorte. La génétique se suffit, elle t'ordonne de reproduire, tu lui réponds. C'est bien. Sois fier. Après deux cents ans, plus personne ne se souviendra de toi.

Bon.
Ce n'est pas tout, mais je me gèle le cul, moi, sur cette terrasse. Un coup d'oeil à ma montre : les aiguilles surnagent en angle droit sur le cadran teinte champagne... C'est l'heure. Je laisse deux pièces dans la coupelle à pourboire : deux sterling, plus personne ne se donne autant de mal pour un café. Dans la seconde rue, l'immeuble m'est difficile d'accès. Trop de clebs qui la reniflent, c'est ma faute ? Non, je pense à des secrets méprisants...
Clare clare clare. Comment est-ce possible : quinze années d'isolement et me voilà plus frais que toi, saleté d'opportuniste à tête de balai à chiotte - une vraie déception.
Je me suis remplumé en un temps record.
Risquant de retomber dans mon travers, duquel je fus sevré contre mon grès : l'alcool, j'ai commencé à fumer par compensation. La fumette, c'est ce qui ferait grossir, ou l'inverse, il paraît. Je me lève. A mon passage une femme me sourit. Je ne lui accorde rien, à peine un regard las en quittant le bar. Être enfermé si longtemps vous castre, une aubaine : je laisse à la plèbe, le troupeau, tout animal en rut, l'esclavagisme passif de ses hormones. Persuadé, même, qu'il n'y a pas meilleur moyen pour vider la tête d'un peuple : flattez-le avec des divertissements, des fantasmes sur images, sur vidéos, sur papier, pensez-y, s'il vous viendrait un jour l'idée de les abrutir.

La cigarette aux lèvres, la fumée s'évade par mon nez. Je range mes mains dans les poches - l'âcreté du tabac glisse sur mon palais...
Des plaisirs simples qui s'accommodent bien au paradis.
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptyLun 9 Nov - 22:21



Clare Hare 3e129494740912533803b6c29da08bc5

Tu n'y joues pas avec tes parents ?

Elle fit non de la tête. Il lui sourit, avança son pion, lui en mangea un, posa le pion blanc sur le côté. Au loin, on entendait le roulement perpétuel des vagues. Elle songea à placer sa dame à gauche, mais se ravisa, ce qui le fit rire

— Si tu touches le pion, tu dois le bouger, c'est la règle.

Elle leva vivement ses mains pour justifier qu'elle n'avait rien touché

— "Ok, ok." s'amusa-t-il.

Patiemment, il attendit qu'elle joue.

--------------

— Pourquoi tu pleures ? Tu ne veux pas m'en parler.

Non ! Elle fit non de la tête ! Il soupira, croisa ses bras en se balançant calmement dans sa chaise. Le sable avait investi le jardin après la tempête de la veille : il avait abdiqué de devoir l'ôter cette fois encore. Ici le sable colonisait, partout. Il avait perdu sa récolte de tomates. Seules les carottes semblaient survivre.
Silencieux, il observa la petite Clare. Elle regardait l'horizon, les poings serrés, ses cheveux virevoltant furieusement dans le vent : elle ne se rendait pas compte qu'elle ne voyait presque rien avec tous ces cheveux devant les yeux :  c'était visiblement comme ça pour ceux nés au bord de l'océan, ils vivaient avec le vent comme d'autres vivent avec le trafic de la ville, nés en son sein, n'y pensant même plus.

----------------------

— Elle m'a dit que je portais malheur. Je peux plus les voir.

C'était la première fois qu'elle lui parlait. Il resta figé, son pion dans la main prêt à être posé sur le damier.

— Qui ça ?

Clare inspira, le regard féroce. Elle avait cet air de sauvageonne toujours échevelée, rustre avec ceux qui pouvaient représenter une notion étrangère, il l'avait compris.

— La matriarche. Elle a dit que je portais malheur. A cause de ce que j'ai. A cause de...

Elle posa deux doigts sur sa bouche. Sa manière à elle de ne pas formuler ce qu'il fallait mieux taire. Encore un peu surpris, mais très heureux, il ne précipita rien. C'était la première fois qu'elle lui parlait, alors il l'écouta en conservant le silence, et posa sa dame sur le damier, qui mangea deux pions.

------------------------

— Tu sais que les petites filles de ton âge ne parlent pas comme tu le fais.
— Comment elles parlent ?
— Différemment.
— ....
— Ca te dérange ?

Elle resta dans son mutisme.

— Il ne faut pas. Ca veut dire que tu es avancée pour ton âge, c'est bien
— Si j'avance, alors il y aura qui ?
— Comment ça, Clare ?
— A côté, il y aura qui ? Si j'avance, il y aura plus personne.

--------------


— C'est une petite fille qui mérite une belle vie
— Vous le comprenez.
— Mais sa famille...
— Nous pouvons accepter qu'elle grandisse auprès des siens. Et peut-être qu'elle vivra un début d'enfance heureuse... Mais vous savez ce qui se passera ensuite. Vous le savez, c'est ce qui est arrivé à votre mère. Guérir les gens. Imaginez, quand d'autres l'apprendront. Sa vie deviendra un enfer.
— ... Elle mérite une belle vie
— Nous devons prévenir des dommages, il y en aura, il y en a toujours chez les gens dotés de ce pouvoir.
— .... Je n'ai jamais souhaité.... sa famille n'est pas responsable.
— Le hasard ne choisit jamais.

--------------------

— Un jour j'aimerais partir
— Où ça ?
— Loin de l'océan
— Tu n'aimes pas l'océan ?
— Si
— Eh bien ?
— .. Je voudrais voir ce qui est pas l'océan. Et je voudrais... que maman et papa se fâchent plus à cause de moi
— Toute les grandes personnes se disputent de temps en temps. Ce n'est pas à cause de toi.
— Mais je sais...
Elle garda ses yeux sur la plage visible au loin
— Je sais que c'est à cause de moi, papa déteste le sel qui ronge le bois, et mon oncle il est fou... et il vit à côté, maman en a peur mais elle peut pas partir à cause de moi...
Elle se retourna vers lui, le visage sérieux
— Mais si je m'en vais, alors ils arrêteront d'être tristes. Loana pourra aller à l'école et se faire des amis. Ca sera plus une prison pour eux.

A cette dernière phrase, il cessa de se balancer sur sa chaise. Il était face à l'opportunité. Il avait attendu si longtemps qu'elle s'ouvre à lui. Pourtant maintenant, il sentait une épée lui transpercer la gorge à la simple idée de parler. Il lui fallut d'immenses minutes, et l'effort de surmonter ce sentiment, celui qu'il ne serait jamais plus cet homme qui se respecterait, qu'il ne saurait encore se supporter dans le reflet de son miroir après cela, avant de lui dire

— Clare, je vais te partager un secret...
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptyDim 30 Mai - 17:01

@Fang


peu après le dôme

Une lettre est posée sur la table basse du salon. A côté il y a encore cette tasse de café, le vélo de Perkins pend au plafond retenu par un filet, le canapé délabré vert bouteille n'a, au final, jamais été remplacé. Les pieds des passants à travers la moitié de fenêtre apparaissent moins depuis que le dôme et les accidents se sont chargés d'effrayer.

Un peu froissée, désordonnée à l'image de celle qui l'a rédigée, la feuille ressemblerait presque à un pense-bête. Ouverte, elle garde les traces d'un pliage en quatre, comme si sa propriétaire avait voulu la ranger, avant de se raviser.


Perkins

Dis-lui que je suis désolée.
Que je ne sais pas être exemplaire, qu'il m'aurait fallu des années dans un monde sans vices pour m'arranger
Ce n'est pas une excuse, mais un constat, pas un plaidoyer mais une vérité. Sous ma veste, dans la poche intérieure, je garde contre mon coeur la photo qu'il m'a offerte.
Je devrais aussi l'appeler par son prénom, tu ne crois pas ?
Dis-moi Perkins, que je continue à l'appeler Fang, n'est-ce pas la preuve ultime de mon égoïsme ?
J'aurais dû lui apprendre à écrire, j'aurais dû lui montrer tous ces livres que je ne feuilletais que pour moi.
J'aurais dû lui expliquer ce que c'était d'aimer, et d'être heureux.
Je l'ai conservé comme une peinture de mes paysages passés, les miens, aux détriments des siens.
Ce que je préservais, c'était une relique, un souvenir.
Enfant, je brûlais mes journées entourée de loups et de sable. Quand je le voyais dans notre appartement, c'était ce petit garçon aux joues mangées par le sel que je voyais.
C'est vrai que je ne te l'ai jamais dit, j'ai grandi au bord de l'eau. Depuis toutes ces années, je ne t'ai pas dit grand chose.
Je sais que tu m'en voudras, mais ne m'en veux pas trop. C'est que la rancoeur s'imprime sur un visage, et Fang a besoin de lire dans tes yeux autre chose, pour une fois : un peu d'espoir, un peu de joie, en dépit des jours sombres qui menacent. Je sais que je t'en demande beaucoup, je t'en ai toujours trop demandé.

Mais je sais aussi que tu le feras,
que je peux compter sur toi, pour une dernière fois.

Clare   
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MessageSujet: Re: Clare Hare   Clare Hare EmptyLun 22 Aoû - 3:33

Elle avait connu le froid de pair avec l'humidité. La sécheresse était une notion floue chez elle, l'aridité n'existait pas au bord de l'eau mais se trouvait parfois, lui disait sa mère, dans le coeur des gens. Sautant pieds joints sur une dune, elle regarda encore la mer... puis se détourna, pour se rendre chez le vieil homme, avec qui elle avait l'habitude de jouer aux dames.




Clare Hare La-dent-du-chat


Clare aurait aimé un monde où la magie n'existait pas. Dans la libraire lambda, le monde s'égarait dans la fantaisie, sans réfléchir au fléau des pouvoirs loin de la douceur des scenarii.
On lèverait sa main, qu'on brulerait.
On murmurait un mot, qu'on couperait.
On regarderait, et déjà plus de secrets à nous cacher.

Elle aurait aimé être de ces enfants qui rêvent en lisant des livres, en regardant la télévision. Quelqu'un qui n'aurait pas à scanner des corps.
Dans la réalité, la magie était affreuse, et moche.

Assise sur la marche, à côté de la dune de sable,  elle entendait, à travers la fenêtre ouverte, le vieil homme touiller sa tasse de café. Il ne lui avait jamais dit son pouvoir. Il vivait sans personne, au bord de l'eau, ça devait être de ce pouvoir qu'on aime pas, en avait-elle conclu. Les yeux dans la vague du roulement de l'eau, assise, accoudée à ses genoux et le visage entre ses mains, les mèches de ses cheveux se sentaient libres et s'emmêlaient. Le sable lui picorait les joues.
Ici, elle aurait aimé arrêter le temps. C'est la magie qu'elle aurait souhaité avoir. Mettre sur pause les beaux instants, pour très longtemps.
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